Jean-Pierre Fiard : « La Martinique, joyau géologique et botanique, sur la voie de l’UNESCO » 

Ce qui aura motivée la démarche de la Martinique vers le Patrimoine mondial de l’UNESCO est sans conteste sa biodiversité exceptionnelle et sa singularité géologique au sein de l’arc antillais et du reste du monde. De la Montagne Pelée aux Pitons du Carbet, les volcans racontent l’histoire immémoriale de la terre martiniquaise, tandis que la flore, façonnée sur des millions d’années, dévoile des trésors botaniques restés intacts jusqu’à nos jours. Jean-Pierre Fiard, éminent botaniste spécialiste de la flore martiniquaise, bien connu pour ses travaux d’exploration des forêts du nord, nous a raconté l’histoire naturelle extraordinaire de la Martinique que chaque martiniquais devrait connaître…

Sa thèse de doctorat portait sur les forêts du nord-est de la Martinique, donc le cœur du périmètre des « Volcans et forêts de la Montagne Pelée et des Pitons du nord de la Martinique » choisi pour porter le projet de reconnaissance à l’Unesco. La contribution de Jean-Pierre Fiard a été déterminante pour l’inscription du nord de la Martinique au patrimoine mondial de l’UNESCO,  à partir d’un travail d’exploration inédit mené depuis des décennies, puisque la prospection systématique de l’ère du bien n’avait jamais été faite. Quatre-vingt sites de relevés en dehors des traces ont été observés.

« La toute première origine du projet Unesco date des années 80 » dit-il, « nous avions rédigé un rapport avec Madame Elizabeth Etifier-Chalono, alors directrice du conservatoire botanique de la Martinique, indiquant que ce secteur méritait d’être enregistré au patrimoine mondial. Depuis nous avons continué le travail, j’ai contribué à la formation du comité scientifique qui a piloté le dossier. »

DEUX CRITÈRES ONT ÉTÉ RETENUS POUR LE CLASSEMENT : GÉOLOGIE ET BIODIVERSITÉ.

Le critère géologique s’appuie sur la Montagne Pelée, volcan emblématique connu pour son type d’éruption très destructrice qui est devenue une référence et a donné son nom aux éruptions de type péléen. Les pitons du Carbet présentent également un intérêt pour leur formation géologique originale et rare il y a plus d’un million d’années. Ce sont d’anciens volcans constitués d’une lave extrêmement visqueuse qui a tendance à s’empiler d’où leur forme.

Ce qui est encore plus extraordinaire, c’est l’histoire géologique fragmentée de la Martinique. Elle possède une flore très riche par rapport aux autres Petites Antilles, du fait de la construction progressive de l’île sur 50 millions d’années, permettant la constitution d’un patrimoine génétique très ancien. Elle est l’île la plus ancienne des Petites Antilles. La proto Martinique a vu le jour sur la zone de la Presqu’île de la Caravelle, il y a 20 millions d’années, ensuite il y a eu ce qu’on appelle la Presqu’ile de Ste Anne, et un autre pôle volcanique, la Montagne du Vauclin, puis a surgit ensuite la masse du Morne Jacob, ensuite les Pitons, et derrière la montagne Pelée le Mont Conil. La montagne Pelée est la plus récente, le dernier volcan qui a surgit il y a 300 000 ans. La Martinique s’est construite pièce par pièce sans se superposer, de sorte que la biodiversité a été préservée zone par zone, pendant longtemps. Il y a donc des espèces très anciennes.

Par exemple, une espèce botanique endémique stricte de la Martinique pousse sur la Montagne du Vauclin, le Gryposperma. On en trouve une espèce voisine sur la Montagne Pelée. C’est probablement une espèce qui est arrivée de la montagne du Vauclin, ayant migré au moment de la jonction des masses volcaniques.

MÊME SANS LA RAPPORTER À SA TAILLE, LA BIODIVERSITÉ MARTINIQUAISE EST REMARQUABLE.

En matière d’endémisme strict,  c’est à dire des espèces forestières qui n’existent qu’en Martinique, originaires de l’île, qui étaient là avant la présence de l’homme et qui ont été apportées par la nature, on estime qu’il y a 17 espèces d’arbres indigènes contre 2 en Guadeloupe et 4 en Dominique. Sur le plan de l’endémisme spécifique des Petites Antilles, à la Martinique à l’heure actuelle, on connaît 80 espèces arborées forestières contre 68 en Guadeloupe et 68 en Dominique.  Au niveau des espèces antillaises, Grandes et Petites Antilles,  on dénombre 162 espèces en Martinique, 127 en Guadeloupe et 94 Sainte Lucie.   Concernant les arbres autochtones, dont les espèces naturalisées introduites par l’homme et fonctionnant comme les espèces sauvages, on dénombre 410 espèces en Martinique, 53 en Guadeloupe et 316 en Dominique. Le chiffre global actuellement connu pour la Martinique est de 450 espèces d’arbres, dont une vingtaine d’espèces naturalisées.  Aucune autre île des Petites Antilles n’atteint le chiffre de 400 même pas la Dominique. Et, il y a un autre domaine prometteur en la matière, encore en exploration, les champignons supérieurs, dont on dénombre déjà près de 2000 espèces, contre 500 dans les Antilles voisines.

La Martinique, par sa biodiversité exceptionnelle et sa construction inédite, se dresse comme un phare du patrimoine naturel mondial. Gageons que ces précieux trésors retiennent l’attention des experts de l’Unesco comme un modèle insulaire inédit à préserver, « une merveille du monde ».

Nathalie Laulé

Source : https://antilla-martinique.com/

Découvrir ...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Recevez les dernières nouvelles

Abonnez-vous à notre newsletter